• Grippe béarnaise

     

     

    Ségolène Royal a été choisie par les militants socialistes parce qu'elle était alors la seule paraissant en mesure de battre Nicolas Sarkozy.

    Elle avait en commun avec le champion de la droite de demeurer au plus haut niveau des enquêtes de popularité.

    Aujourd'hui, si les deux candidats se maintiennent en haut du pavé, ils sont rejoints par François Bayrou.

    Pour être tout à fait honnête, il faut analyser la solidité des intentions de vote que l'on prête aux Français. Or, d'une part, cette solidité est toute relative à un mois du premier tour. D'autre part, elle est beaucoup plus forte chez Royal et Sarkozy que chez Bayrou, colosse naissant mais aux pieds d'argile.

    Cela dit, il y a une montée forte du candidat du « ni ni » ou du « et et ». Pourquoi ?

    Son programme ? Pas de quoi avoir la trique.

    Le personnage ? Mouais, pas sûr qu'il séduise.

    Alors alors ? ?

    C'est que François Bayrou conjugue en ce moment deux éléments qui peuvent être décisifs pour cette élection : l'anti-sarkozisme et l'image de rupture avec le système.

    Jusqu'au début de la campagne, c'est Ségolène Royal qui possédait ces cartes en mains. Un discours en décalage avec les classiques du PS, fortement teinté de Blairisme, une opposition frontale avec les hiérarques de l'appareil, une campagne interne en forme de putsch par l'extérieur. Ségolène était, au moment de sa désignation, au firmament.

    Depuis ? Peut-on dire qu'elle a été bouffée par l'appareil ? Malheureusement, je le crois. Son discours s'est brouillé. Au lieu de l'armer pour continuer à défendre cette ligne du renouveau de la gauche française, le PS a tenté de la ramener à la synthèse indigeste du Mans, tout en la faisant rentrer dans le système. Pouvait-il en être autrement alors que ce parti a été infichu de tirer les leçons de son échec en 2002 ? François Hollande est un grand cuisinier, pas un leader. Résultat : entre le socialisme de grand papa et le virage social démocrate, on n'a pas tranché. Sûr que Ségolène Royal ne pouvait y parvenir seule. Les militants l'ont désignée parce qu'elle pouvait gagner, pas parce qu'ils adhéraient à ses idées. Contrairement à ses rivaux au moment de la primaire, Ségolène n'a pas de courant, sa victoire n'est la victoire d'aucune ligne politique. Et aujourd'hui, les électeurs la voient de plus en plus traîner à ses pieds tout ce dont ils ne veulent plus.

    Du côté de Nicolas Sarkozy, il y a un essoufflement aussi, pour une part du même ordre. Je persiste à penser que cette élection se jouera énormément sur le pour ou contre Sarkozy. Et c'est lui-même qui nourrit le contre. Les grosses ficelles qu'il a tirées ces jours-ci pour attirer à lui les électeurs potentiels du FN pourraient contribuer à le repousser vers un radicalisme, dont je doute que les Français veulent. D'un autre côté, ses précédentes tentatives de modération à la Chirac sont venus affadir son image. Bref, soit il prend le risque d'apparaître comme un dangereux agité, soit comme un héritier du chiraquisme. Finalement, plus la campagne avance, plus il peine à trouver l'équilibre qu'il vise par son slogan de campagne : la rupture tranquille. Par ailleurs, le consensus existant à droite autour de sa candidature, le soutien de l'appareil UMP qui n'a rien à envier à celui du PS, lui a retiré le côté « seul contre tous » qui le rendait si séduisant. Sarkozy avalé par le système ? Ca y ressemble de plus en plus.

    Au final, François Bayrou est aujourd'hui celui qui incarne à tort ou à raison la rupture systémique à laquelle les Français aspirent. Peu importe qu'il serait bien en peine de proposer un programme gouvernemental une fois élu, peu importe qu'il ait été le ministre de l'Education le plus timoré qui soit, peu importe que son principal moteur, c'est un égo démentiel... Il dit : je suis un petit, je suis comme vous, je me préoccupe de vos problèmes quotidiens, je ne fais pas partie de cette élite que vous haïssez, je ne vous ferai pas de grande promesses parce que je veux vous dire la vérité, vous avez essayé le PS et l'UMP et vous avez été déçu, je ne suis pas de ceux-là... En bref : moi, je suis différent : je ne vous prends pas pour des cons. Votez pour moi. Et ça marche, pour l'instant...

    Face à la menace représentée par François Bayrou, les deux autres pataugent dans la semoule. Nicolas Sarkozy répète à l'envi qu'il est toujours bien en tête, tout en faisant un appel à Le Pen, tandis que ses lieutenants sont tantôt agressifs en dénigrant le programme de Bayrou, qualifié d'irréaliste, tantôt condécendants en disant leur respect pour le centriste tout en le prévenant de ne pas se priver des chances d'une alliance pour les législatives. Quant à Ségolène Royal, ce fut d'abord le silence grossièrement indifférent puis, par le biais de Jack Lang et de François Hollande, entre autres, l'attaque par l'argument qui tue : Bayrou est de droite. Oserais-je dire que les Français s'en foutent ? Les socialistes n'ont-ils à ce point rien compris au film ? La sortie récente de Dominique Strauss Kahn, lançant un appel du pied à François Bayrou, pouvait laisser penser que l'état major de campagne de la candidate avait enfin perçu que les voix promises à Ségolène se gagnaient et se perdaient au delà de toute considération droite / gauche. C'était sans compter l'intervention de Laurent Fabius excluant toute alliance avec l'UDF et réclamant une campagne clairement à gauche. Cela confirme deux choses : Fabius est complètement ringard, la barque présidentielle du PS est à l'image de ce parti, à la dérive faute de gouvernail.


     


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