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Petits meurtres entre amis
Alors que les extrêmes restent les extrêmes, divisés à gauche, incarnés
par Le Pen à droite malgré les velléités du Fou du Puy ; alors que les
écologistes et environnementaux restent incapables de constituer un
courant unique ; alors que les centristes n'existent de plus en plus
que pour François Bayrou et mourront probablement de s'être détachés de
la droite ; alors que l'UMP devrait sacrer définitivement son chef
charismatique malgré les vilenies de Chipin et de Villerac ; le Parti
Socialiste joue une des partitions les plus difficiles de son
histoire...
Deux moments décisifs :
- La victoire aux régionales en 2004 qui a permis à Ségolène Royal d'émerger
sur le thème de la proximité ;
- Le référendum sur le Traité Constitutionnel Européen qui a levé le
voile sur un clivage fort entre « modernes » et « conservateurs », au
sein du parti socialiste, clivage qui se cristallise sur les raisons de
la défaite de 2002 : grosso modo, il y a d'un côté ceux qui pensent que
le PS n'a pas été assez « à gauche » (que l'on m'explique un jour ce
que cela veut dire...) et, de l'autre côté, ceux qui pensent que le PS
n'a pas su évoluer avec la société, donc qu'il est ringard. Dans les
deux cas, le lien commun c'est que le PS se serait coupé des
aspirations des Français, mais suivant que l'on soit « conservateur »
ou « moderne », on n'a pas la même idée de ce que seraient les
aspirations des Français.
S'agissant de ce deuxième temps fort, il faut en minimiser les effets.
Le PS est en effet un chaudron à courants et à synthèses alambiquées
qui peuvent conduire aux alliances les plus improbables, du genre - on
l'a vu par le passé - Chevènement avec Mitterrand ou Emmanuelli avec
Rocard, aujourd'hui Montebourg avec Royal..., sans que jamais une ligne
politique claire ne s'en dégage. Il n'y a qu'à lire le projet pour s'en
convaincre.
Bref...
La primaire au sein du PS pour désigner son candidat ou sa candidate,
c'est en ce moment. Et depuis cet été, ça s'est considérablement durci.
Pas un jour sans événement plus ou moins important ( réunions,
interventions médiatiques, etc... ) provoqué par l'un des candidats
plus ou moins déclarés.
Côté scène, ça commence à « fighter », Jospin, DSK et Fabius lâchent
quelques petites phrases, exercice jusque là réservé à leurs
«porte-flingues ». En face, Ségolène Royal fait mine de rester stoïque,
au dessus de la mêlée. François Hollande continue à dire que les
socialistes sont unis. Et Jack Lang aime tout le monde.
Côté coulisse, ça « fighte » depuis un bon moment: entre comités de
soutien, au sein des fédérations et sections, entre élus qui auraient
déjà pris parti pour l'un des candidats, en fonction de ses intérêts.
Bref, on mobilise pour l'un ou pour l'autre, on remplit des salles que
d'autres cherchent à retourner... C'est une pression d'enfer et un
enchaînement de coups bas. Dans cette bataille, les partisans de
Ségolène Royal ne sont pas les moins agressifs : ils ont un objectif :
obtenir les retraits de DSK et Jack Lang et le renoncement définitif de
Jospin... Pour l'instant, ils n'y parviennent pas. Dominique Strauss
Kahn continue à maintenir le cap au gré d'une campagne à l'Américaine,
avec sa boîte à idées et sa com' ultra maîtrisée voire glaciale, c'est
solide mais pas très enthousiasmant. Il peut néanmoins compter sur un
réseau d'élus assez solide pour le porter naturellement à la fonction
de Premier Ministre, si elle était maintenue. Jack Lang se garde
d'attaquer les uns et les autres, il n'en a ni les moyens ni le goût.
Sa campagne n'est pas si brouillonne qu'il y paraît, ses combats sont
plutôt avant gardistes sur les sujets de société, et ses propositions
sur la fiscalité, les institutions et l'immigration forment un cadre
original de réformes sur trois questions majeures pour notre pays.
Problème : malgré une popularité constante et la sympathie suscitée et
vérifiée chez les jeunes et les populations issues de l'immigration,
malgré un positionnement de plus en plus remarqué sur l'international,
les médias ne lui confèrent aucune crédibilité et surtout, il n'a aucun
réseau au sein du PS. Au pire le Quai d'Orsay, mais il peut encore
créer la surprise.
Lionel Jospin quant à lui teste sa candidature en lançant une grande
offensive anti-Ségo. Pour l'instant ça ne prend pas. Jospin attaque,
Ségo réplique plus fort, j'en veux pour exemple l'annonce de la
création de son état major de campagne dirigé par Montebourg quelques
jours après l'université d'été de La Rochelle, là même où Jospin avait
fait un tabac devant les jeunes socialistes, en justifiant son retrait.
Jospin a au moins réussi à faire barrage à celui que les autres
craignent : François Hollande, qui entretient savamment le flou dans le
jeu, avec une roublardise qui n'a d'égal que son intelligence tactique.
Mais Jospin n'aura probablement convaincu, ni les militants, ni les
Français, dans la mesure où il incarne davantage le passé et s'inscrit
dans une structure partisane qui n'existe plus, en raison du doublement
du nombre des militants du PS.
La stratégie de Ségolène Royal est semblable à celle de Sarkozy : faire
parler, faire bouger, quitte à contredire les messages
traditionnels du PS, apparaître comme une candidate différente,
incarner la rupture, quand bien même on ne verrait pas toujours bien ce
qui la différencie de Sarkozy, dans le genre néo-réac c'est à dire
plutôt conservateur qu'en rupture. Face à l'engouement médiatique, ceux
qui attaquent Ségolène Royal cherchent à faire sortir le loup: une
personnalité franchement antipathique et une envergure limitée.
Jusqu'ici ça ne prend pas. Beaucoup de populisme nourri par une
formidable intuition, voilà son atout maître. Sa faiblesse ? Un ancrage
fragile au sein du PS qui ne tient qu'à sa popularité du moment. Mais
c'est aussi une force - et c'est cela qui est paradoxal - car sa
popularité est entretenue par cette posture en marge.
Bientôt, la nuit des longs couteaux...
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Commentaires
La houlette et le fromage
Merci pour ton passage Garg. Je ne suis pas très assidu pour l'instant mais ça va venir...
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Bien vu pour Hollande. Les m�©dias ne savent pas diff�©rencier couardise et strat�©gie. Trop court-termistes. Et ravi de te revoir en ces eaux troubles.